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Je rêve encore de mon mirage !

Retour sur le parcours exceptionnel d’un pilote de chasse, de la Patrouille de France au pompier du feu.


Avant le vol : entraînements, répétitions, gammes, concentration, confiance….

« Le briefing se termine, nous venons de répéter la « musique » la répétition mentale de l’exercice, je suis dans ma bulle. J’ajuste mon pantalon anti G, je prends mon casque et vérifie que j’ai bien mes gants et ma cagoule. L’équipe se met en marche, direction les avions. Je salue les mécanos comme toujours. La Patrouille de France (PAF) est le seul corps où le mécano choisit son pilote : sa poignée de main est marquée, nos regards appuyés, la complicité et la confiance sont mêlées. Dans ma tête, je pense « merci pour ton investissement », dans la sienne « vas-y mon pote mais sois prudent ».

Je monte à bord de l’alpha-jet, je vérifie méticuleusement mon installation. Je fais corps avec ma machine. Mon mécano me tend les sangles, retire les sécurités du siège éjectable et, après un échange de signes, prend sa place pour la mise en route. Je suis concentré, j’attends les ordres...

Premier stress, tenir sa place au roulage : « Athos, vous êtes clair alignement décollage ».

J’avance les manettes des gaz, check moteur, je regarde l’équipier à côté de moi, vérifie son avion, pas de fuite, verrière verrouillée, volets sortis, phare allumé. C’est parti, en avant la musique !

Le vol : "Je fais corps avec ma machine"

Rassemblement effectué, les conditions météo sont bonnes, peu de vent, le vol s’annonce bien. « Virage à droite, j’incline, je dégauchis…maintenant... en concorde et la fumée top… concorde… coup de palette top… virage à gauche j’incline… ». Je ressens les vibrations dans le cockpit, j’entends les filets d’air qui claquent de plus en plus fort sur la carlingue, j’ai en vision périphérique mes 2 équipiers à 2 mètres de moi….

La concentration est à son maximum, je ne pense à rien d’autre qu’à la précision de mon pilotage et à l’écoute de la voix du leader. L’équipe travaille bien aujourd’hui, les écarts sont raisonnables. Ça fait maintenant 10 minutes que nous sommes en vol, nous approchons de la moitié du ruban et le stress monte d’un cran, bientôt le diamant dos, la figure la plus technique et la plus difficile à réaliser : « en concorde top… concorde… virage à gauche j’incline, cadence… diamant dos top, je passe sur le dos, au milieu de 3 avions, la tête en bas, les repères changent, les commandes sont inversées, il faut tenir sa place, limiter les écarts au maximum, je suis en apnée… les trois du milieu top…les intérieurs top… pour la sortie, les intérieurs top…les trois du milieu top… les extérieurs top ... et on y va boucle, sortie à moins 3G, j’ai le sang qui monte au cerveau, je repasse sur le ventre et reprends à plus 5G pour un looping. Cette fois, la pression s’exerce dans le sens opposé, vers les pieds, c’est douloureux mais je suis bien préparé physiquement, ouf, c’est passé. »



Les acrobaties s’enchainent, 22 minutes déjà, la fin approche, mise en formation pour l’éclatement final.

On est posé… le moment de faire un signe au public, famille et amis sous leurs applaudissements, c’est notre récompense. Dernier vol de la saison.


Moteurs coupés, mon fidèle écuyer me fait un signe de la tête. Je le remercie, je prends une bouteille d’eau plus que bienvenue car j’ai perdu entre 1 et 2 litres d’eau, je suis trempé, ma combinaison porte les stigmates de mes efforts intenses, accrus par l’univers clos, et l’effet de serre sous la verrière du cockpit. Il est temps de rejoindre le reste de l’équipe au pied de l’avion numéro 4 pour un « short débrief » à chaud.



Après le vol, passage obligatoire par le débrief…

Le leader a été le catalyseur de l’alchimie cette année encore pour mener son équipe de sportifs de haut niveau. Les vols d’entraînements, les gammes, la préparation et l’anticipation. Une saison pour s’essayer, se valider, enfin gagner la confiance des autres. Avant et après chaque vol, courage et humilité pour revenir sur ses erreurs devant ses pairs, pour optimiser la sécurité et la performance. Transparence et professionnalisme avec, en chacun, la conscience de la prise de risque, de l’accident, et aussi des collègues tombés…


Les jalons sont exigeants, des années d’écoles, un processus hyper sélectif, des parcours de survie entre doutes, et abnégation. Le sens du sacrifice, et une volonté sans faille portent ces pilotes vers une carrière opérationnelle aussi riche techniquement qu’humainement.

L’apprentissage est enrichi par les feedbacks des parrains, pairs, instructeurs. Tous témoignent, et retiennent surtout l’esprit de corps, les tranches de « poilades », qui leur ont permis de se surpasser. L’armée leur a inculqué le sens du service pour les autres.


Les coéquipiers ont généralement bifurqué vers des postes en état-major ou comme pilotes dans le secteur privé, sans passe-droit après avoir repassé toutes les qualifications civiles nécessaires.

Thierry Loine appartient aujourd’hui aux pilotes-stars, pilote Instructeur bombardier d’eau et Officier de Sécurité Aérienne au sein du GASC (Groupement d’Avions de la Sécurité Civile) à Nîmes. Pompier du feu, sur Tracker et Canadair, il continue, avec la peur au ventre parfois, dans un métier extrêmement risqué, de protéger et sauver les personnes, les biens, et les forêts. La difficulté et les dangers de ces vols font de ces pilotes chaque jour des héros.




A chaque décollage, les mots de Thomas Jefferson, lui reviennent en écho :

« Je crois à la chance, et je m’aperçois que plus je travaille, plus j’en ai »

Thierry ne se contente pas de savoir voler au secours des autres. Sa passion : il sait aussi l’exprimer et la fait partager en entreprise, notamment. « Raconter que la performance globale de l’ensemble des compétences est supérieure à l’addition simple des compétences individuelles » fait mouche. Son parcours est parlant, et peut justement « donner des ailes », aux plus jeunes aussi. Il se dit autodidacte, car entré par la « petite porte » dans l’Armée. D’un élève rêveur, préférant les copains au travail et issu d’un milieu modeste qui lui a donné faim, Thierry, 5600 heures à son compteur, a vite compris qu’il fallait être un gagnant pour accéder à son rêve : voler…


By Sandra Blanc Mesnel




Dreamaker, Agence des REVES





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